Nos chères têtes blondes ont longtemps été abreuvées de l'expression "faire-passer". Je me suis posé la question : pourquoi certains, et même un pourcentage non négligeable d'entre elles se mélangent souvent les pinceaux lorsqu'il s'agit de faire passer un terme d'une égalité d'un membre à l'autre.
Il me semble que la raison principale est que "faire passer" signifie en fait deux choses totalement différentes.
Première interprétation
Avec l'équation ; x + 3 = 7, on dit que l'on "fait passer" le 3 de l'autre côté, mais attention, il faut changer son signe donc ça devient -3. Déjà, cette simple opération est tout simplement apprise par cœur sans qu'elle soit comprise.
x = 7 - 3 = 4
Autre exemple, avec un nombre négatif cette fois :
x - 7 = 13
On "fait passer" le -7 de l'autre côté, en n'oubliant pas de changer son signe.
x = 13 + 7 = 20
Deuxième interprétation
Avec l'équation 3 x = 7, on dit que l'on "fait passer" le 3 de l'autre côté, mais attention, il faut la mettre au dénominateur donc le second membre devient . Là aussi, cette simple opération est tout simplement apprise par cœur sans qu'elle soit comprise.
Dans les deux cas, donc, on "fait passer", mais dans le premier cas, il faut changer le signe du terme voyageur, et dans l'autre, il faut le mettre au dénominateur sans changer son signe. Dans la mesure où ces opérations, au demeurant extrêmement simples, et donc apprises par de jeunes enfants, sont le plus souvent non comprises et par conséquent apprises par cœur, certains enfants font passer un terme d'une addition au dénominateur de l'autre membre, éventuellement en le changeant de signe pour faire bonne mesure, ce qui donne :
De x + 3 = 7 on obtient alors ou pire encore
et d'autres (peut-être les mêmes) font passer un facteur d'un produit dans l'autre membre en changeant son signe ce qui donne :
De 3 x = 7 devient alors x=7-3
Ce que je suggère
La justification de la première interprétation est tout simplement :
Si A = B alors A + C = B + C et A - C = B - C et réciproquement. Cela revient à dire : ajouter ou retrancher la même quantité aux deux membres d'une équation conduit à une équation équivalente, c'est-à-dire une équation qui a les mêmes solutions que la première équation.
Dès lors, pour "faire passer" le 3 de l'autre côté, je préfère dire "j'ôte 3 des deux membres" :
Donc x + 3 = 7 devient
x + 3 - 3 = 7 -3
Il me semble que très jeunes, les enfants comprennent que + 3 - 3 est une opération nulle. Et par conséquent on trouve x = 7 -3 = 4
De même, la justification de la deuxième interprétation est tout simplement :
Si A = B alors A * C = B * C et A / C = B / C, dès lors que C n'est pas nul, et réciproquement. Cela revient à dire : multiplier les deux membres d'une équation par la même quantité non nulle conduit à une équation équivalente, c'est-à-dire une équation qui a les mêmes solutions que la première équation.
Dès lors, pour "faire passer" le 3 de l'autre côté dans le deuxième exemple, je préfère dire "je divise les deux membres par 3 :
Donc 3 x = 7 devient
Très jeunes, les enfants comprennent que * 3 / 3 est une opération nulle. Et par conséquent on trouve
J'avoue que je ne comprends pas pour quelle raison cette expression "faire passer" perdure, et chaque fois que j'explique ma façon de voir les choses à un élève (même à un Terminale !) il dit "je comprends mieux maintenant".
A propos du produit en croix
Face à une proportion (une proportion est une égalité de deux rapports, enfin, c'est ce que l'on m'a appris au lycée, mais je pense que ce terme a disparu des espaces d'enseignement aujourd'hui), le réflexe est de faire le "produit en croix"
Par exemple, si l'on a on dit que l'on fait le "produit en croix" ou pire, que c'est un "produit en croix". On obtient :
9*(x-2)=7*(3x+2)
Je conteste et combats cette expression. Pour commencer, on ne fait pas un produit, mais deux. Et deuxièmement, beaucoup se perdent dans cette opération parce qu'ils ne la comprenne pas. De mon temps (il y a longtemps, longtemps...) on disait "dans une proportion, le produit des extrêmes est égal au produit des moyens". Cela signifiait qu'une proportion pouvait s'écrire (a,b,c,d) et que a et d étaient les "extrêmes", alors b et c étaient les "moyens", donc ad=bc. Je pense que ces expressions sont également aujourd'hui désuètes. Mais qu'est-ce qui nous empêche, si l'on a , de multiplier les deux membres par b, ce qui donne , et ensuite de multiplier les deux membres par d, ce qui donne ad=bc. Et puisque je suis paresseux, qu'est-ce qui m'empêchera d'effectuer une seule multiplication, cette fois par le produit des dénominateurs :
devient alors :
soit
J'aimerais avoir l'avis des professeurs de petites classes et peut-être aussi de grandes classes.
Est-ce que certains d'entre eux ont une approche similaire ?
Ou bien est-ce que je vais rencontrer une opposition farouche à cette tentative de désacralisation d'expressions depuis si longtemps consacrées ?
Merci de me dire ce que vous en pensez.
Bonjour
il me semble que tu enfonces des portes ouvertes, et que c'est bien comme ça que c'est expliqué dans les petites classes, du moins je l'espère, et ce sont les élèves eux mêmes qui en font un "théorème-élève" baptisé "faire passer"
devant des élèves de lycée qui s'embrouillaient encore avec ça, comme toi je remettais les choses au clair, et pendant une ou deux semaines, leur imposais de systématiquement écrire dans un rond à cheval sur une flèche l'opération qu'ils faisaient pour passer d'une ligne à l'autre (par exemple, écrire ou entre les lignes et )
Bonjour
Alors j'ai eu au collège un enseignant hors norme ! le coup d'écrire à chaque ligne ce qu'on avait fait, il nous l'imposait tout le temps ... arrivés en seconde, on savait exactement comment les nombres "passaient" d'un côté à l'autre d'un signe égal ...
Bonjour à tous
Difficile de comparer une classe de baccalauréat du lycée Henri IV 1930 et une classe de collège lambda d'aujourd'hui.
Le "faire-passer" ne me choque absolument pas lorsqu'il est utilisé entre des personnes qui savent de quoi elles parlent (l'implicite est alors évident pour les deux parties). En revanche lors de l'apprentissage la rigueur doit bien sûr être de règle, jusqu'à la maîtrise du sujet ; reste à savoir déterminer le moment de cette espèce d'"adoubement". De toutes façons accepter cette familiarité dans les devoirs écrits ne me parait pas acceptable.
Par ailleurs j'ai vécu également "le produit des extrêmes est égal au produit des moyens", qui me paraissait limpide mais qui rebutait nombre de mes camarades. Alors ? Pas facile...
Enfin, j'ai remarqué, et cela a empiré au fil des ans, que beaucoup de difficultés imputées aux mathématiques étaient en fait imputables au français. En fait, je ne sais pas comment je pourrais faire aujourd'hui si j'étais encore en fonction.
C'était juste une parenthèse, que je ferme (ça en fait deux alors, ou une ?) Je plaisante.
Bonjour,
pythamede >> tu proposerais donc que les enseignants apprennent qu'on ne change pas une égalité si on ajoute ou soustrait un même nombre à ses deux membres, ou si on multiplie ou divise par un même nombre ses deux membres !!
En voilà une excellente idée !!
Sauf que c'est ce que tous les enseignants font en 4ème au collège !
Bah oui, mais il est vrai qu'une fois que la règle est bien comprise, alors on se permet le raccourci du "faire-passer" qui fait gagner une ligne un peu superflue quand on a compris le truc.
Ensuite, les élèves oublient les règles du début, ne retiennent que le raccourci, et se persuadent de n'avoir vu que ça.
Et quand on est au lycée, et qu'on ré-explique les équations, on ré-explique les règles initiales, et là oh miracle, tous les élèves disent et jurent qu'on ne leur a jamais expliqué.
D'ailleurs, même en lycée, quelques semaines après, il ne reste toujours que la règle du "faire-passer", et les profs sont toujours accusés de n'avoir expliqué que ça.
Voilà, donc c'est un faux problème, car cette règle est belle est bien enseignée.
Mais au moins maintenant tu sauras que les profs ne sont pas coupables !
bonjour,
et j'ajouterai qu'en tant que prof de seconde, je menace de mille tortures (4 ou 5 factorisations par exemple) tout élève qui "passe de l'autre côté" en se trompant plus d'une fois par semaine, peine aggravée pour celui qui me dit "mais c'est ce qu'on faisait au collège et ça marchait". Celui qui ne se trompe presque jamais, il a le droit puisqu'il sait ce qu'il fait.
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