Bonsoir à tous,
Quelles sont les règles générales conduisant à la résolution des grands problèmes mathématiques actuels ? Je vous présente ici une traduction (personnelle, que j'espère fidèle) d'un extrait d'article qu'a publié le mathématicien Terence Tao sur une de ses pages wordpress (le lien est donné en fin de message) que j'ai trouvé très intéressant, j'espère que cela vous plaira.
Le processus décrit n'est pas sans rappeler la fameuse histoire de la démonstration du dernier théorème de Fermat, et certainement bien d'autres. Peut-être que des chercheurs fréquentant le site pourraient donner leur avis sur le sujet.
Voici cet article :
Citation :
Les processus apportant les solutions actuels aux problèmes majeurs tendent plus ou moins vers celui présenté ci-dessous (impliquant souvent plusieurs mathématiciens sur une période qui va de plusieurs années à plusieurs décennies, avec beaucoup d'étapes intermédiaires décrites ici comme étant chacune en soi des articles publiables) :
1. On isole un cas simple x d'un problème majeur X.
2. On résout le cas x en utilisant la méthode A.
3. On essaye d'utiliser la méthode A pour résoudre le problème X en entier.
4. Ca ne fonctionne pas, mais la méthode A peut être étendue pour résoudre quelques autres cas simples de X, comme x' et x".
5. Finalement, on réalise que la méthode A dépend d'une propriété P; cette propriété est connue pour x, x' et x".
6. On conjecture que P est vraie pour tous les cas du problème X.
7. On trouve une famille de contre-exemples y, y', y"... de cette conjecture. Cela montre que la méthode A doit être adaptée pour éviter le lien avec P, ou qu'une nouvelle méthode est nécessaire.
8. On prend le plus simple des contre-exemples y dans cette famille et on essaye de prouver X pour ce cas spécial. En même temps, on essaye de voir si la méthode A peut marcher en l'absence de P.
9. On trouve plusieurs contre-exemples pour lesquels la méthode A échoue, et pour lesquels la cause de l'échec renvoie invariablement à P. On abandonne les efforts afin de modifier A.
10. On réalise que le cas spécial y est relié à (ou est au moins analogue à) un problème z dans un autre domaine des mathématiques. On cherche de la littérature sur z, on demande aux experts du domaine des renseignements concernant les dernières perspectives sur ce problème.
11. On apprend que z a été attaqué avec succès dans ce domaine en utilisant la méthode B. On essaye d'adapter la méthode B pour résoudre y.
12. Après beaucoup d'efforts, une méthode adaptée B' est développée pour résoudre y.
13. On répète les étapes 1-12 en remplaçant A par B' (la réalité sera probablement un peu différente du bout de scénario présenté au-dessus). On continue à faire ça pendant quelques années, jusqu'à ce que tous les cas spéciaux soient résolus par une méthode ou une autre.
14. Finalement, on possède une panoplie de méthodes qui donnent des résultats partiaux sur X, chacune ayant ses forces et ses faiblesses. Une intuition considérable est gagnée par rapport aux circonstances qui font qu'une méthode va probablement donner quelque chose de non-trivial ou pas.
15. On commence à combiner les méthodes entre elles, on simplifie leur exécution, on localise de nouveaux cas, et/ou on trouve une structure claire et unifiée dans laquelle beaucoup des méthodes précédentes, idées, résultats etc. deviennent des cas spéciaux.
16. Finalement on réalise qu'il existe une famille de méthode A^* (dans laquelle A est la première à avoir été découverte) qui, grossièrement parlant, traite tous les cas où la propriété P^* (une généralisation actualisée de la propriété P) apparaît.
17. A partir de tout ce qu'on sait du problème, on sait que tous les cas connus obéissent à P^* ou Q^*. On formule la conjecture C : "tous les cas du problème X obéissent à P^* ou Q^*.
18. On vérifie que la conjecture C implique en fait le problème. C'est une simplification majeure !
19. On répète les étapes 1-18 mais en remplaçant le problème X par la conjecture C (encore une fois, le schéma peut être différent de ce qui est présenté au-dessus). Cette étape elle-même peut être répétée plusieurs fois.
20. Finalement, le problème a été réduit à sa plus pure essence : une conjecture-clef K qui (au moins, moralement) fournit la donnée décisive aux méthode A^*, B^* etc. qui vont régler la conjecture C et puis le problème X.
21. Avancée : une nouvelle méthode Z est introduite pour résoudre un cas pécial important de K.
22. La fin : la méthode Z est rapidement développée et étendue, en utilisant tout le pouvoir de l'intuition, de l'expérience, des résultats passés, pour régler K entièrement, puis C, et enfin X.
23. La technologie développée pour résoudre le problème majeur X est adapté pour résoudre d'autres problèmes dans le domaine. Mais maintenant un problème X', successeur naturel de X, est apparu, et qui est hors de portée des nouveaux outils développés... et on repart à l'étape 1.
