ÉCOLES NORMALES SUPÉRIEURES
CONCOURS D'ADMISSION 2013
Filière MP
Composition de mathématiques D - (U)
(Durée : 6 heures)
L'utilisation des calculatrices n'est pas autorisée pour cette épreuve.
Polynômes hyperboliques
Préambule
Si
ou
, on note
l'algèbre des fonctions polynomiales sur
, dont la base
canonique est constituée des fonctions monômes
, où
et
sont les coordonnées de
. Par convention, on aura toujours
, même lorsque
. L'écriture d'une fonction polynomiale comme
combinaison linéaire des fonctions monômes étant unique, on utilisera par la suite les mots
monôme et
polynôme pour désigner des fonctions monômes ou polynomiales.
Le degré du monôme
est l'entier
. Un polynôme
est dit
homogène
de degré
s'il est combinaison linéaire des monômes de degré
. Les polynômes homogènes de degré
sur
forment
donc un espace vectoriel que l'on note
. Par exemple,
est l'ensemble des formes quadratiques sur
Si
est un espace vectoriel sur
de dimension finie
, le choix d'une base
de
permet d'identifier
à
; on peut donc parler de polynômes et de polynômes homogènes sur
. On admettra que ces deux notions sont indépendantes
du choix de
, et on notera
(respectivement
) l'espace vectoriel formé des polynômes
(respectivement des polynômes homogènes de degré
) sur
Si
sont deux entiers, on notera
l'ensemble des entiers
tels que
. Si
est donc vide.
1. Si
et
, calculer
en
fonction de
Le problème traite des polynômes
hyperboliques. Soit
un espace vectoriel réel de dimension
, soient
un entier et
un vecteur non nul ; on dit qu'un polynôme homogène
de degré
sur
(donc un élément de
)
est
hyperbolique dans la direction si d'une part
, et d'autre part, pour tout vecteur
, les racines
du polynôme à une variable
sont réelles. Remarquons que si
,
est encore hyperbolique dans
la direction de
; ce qui explique l'emploi du mot
direction dans la terminologie ci-dessus.
2. Vérifier que dans cette définition, les racines de
, comptées avec leurs multiplicités, sont au nombre de
.
Ces racines seront notées
et rangées dans l'ordre croissant :
3. Exprimer
au moyen de
et des
Si
, exprimer en fonction du signe de
les
et les
au moyen des
I. Exemples
4. Montrer que la fonction
est un polynôme homogène sur l'espace
des matrices
symétriques réelles à
lignes et
colonnes, et que ce polynôme est hyperbolique dans une direction convenable.
5. Pour quelles valeurs de l'entier
compris entre 1 et
, la forme quadratique
est-elle hyperbolique sur
, dans une direction convenable ?
6. Si
et si
est hyperbolique dans une direction
, montrer que la formule
définit un polynôme hyperbolique dans la même direction. On notera ce polynôme
7. Soit
et
des entiers. On définit sur
le
-ième
polynôme symétrique élémentaire comme suit :
Montrer que
est hyperbolique dans la direction
II. Continuité des racines
8. Soit
et
deux entiers strictement positifs, et
une fonction. On se donne un
élément
de
. On suppose que, pour toute suite
dans
qui converge vers
,
il existe une sous-suite
(avec
strictement croissante) telle que la suite
converge vers
.
Montrer que
est continue en
9. Soit
un polynôme hyperbolique dans une direction
, où
et
. On définit l'application
9.(a) Si une suite
de
est bornée, montrer que les suites
sont bornées elles-aussi.
9.(b) En utilisant la question 8, montrer que
est continue.
III. Le cône du futur
Si
est hyperbolique dans la direction
, on désigne par
l'ensemble des vecteurs
qui
satisfont
10. Vérifier que
est étoilé par rapport à
. Montrer que
On suppose dans cette section que pour tout
non colinéaire à
, on a les inégalités strictes
, et on dit alors que
est
strictement hyperbolique.
11. Soit
et
. Si
, montrer que la fonction
est surjective.
Lorsque
, à quelle condition existe-t-il deux indices distincts
et
et un nombre
tel que
?
12. En déduire que
est strictement hyperbolique dans la direction
13. Montrer que les
sont strictement croissantes.
14. Soit
. Montrer que
est croissante. En déduire que
est concave et que
est un cône convexe.
15. Soit
. Montrer que
16. En déduire que si
, alors
IV. Le cas général
On admet dans cette section l'énoncé suivant (légèrement moins précis qu'un
Lemme de Rouché) :
Soient
deux polynômes. Soient
un nombre complexe et
un nombre réel. On suppose
que
et que
.
Alors
a au moins une racine
telle que
17. Soit
un polynôme s'annulant en (0,0). On suppose que le polynôme
n'est
pas nul et on note
la multiplicité de sa racine
. De même, on suppose que le polynôme
n'est pas nul et on note
la multiplicité de sa racine
17.(a) Montrer qu'il existe des entiers
premiers entre eux, et deux polynômes
et
vérifiant les conditions
suivantes :
, où
vérifie
est combinaison linéaire de monômes
pour lesquels
Vérifier que
17.(b) Montrer qu'il existe des polynômes
et
satisfaisant l'identité
Montrer de plus que
possède une racine
17.(c) Si
n'est pas réelle, monter que pour tout
assez petit, il existe
tel que
18. On reprend les notations de la question précédente, et on suppose que lorsque
est réel, les racines de
sont toutes réelles.
18.(a) Montrer que les racines de
sont toutes réelles.
18.(b) Montrer que l'ensemble des racines de
est stable par multiplication par
. En déduire que
18.(c) En considérant aussi les points de la forme
, montrer qu'en fait
18.(d) En déduire que
19. Soit
un polynôme homogène de degré
sur un espace vectoriel réel
de dimension
, hyperbolique
dans la direction de
.
On ne suppose pas que soit strictement hyperbolique. On se donne
19.(a) Soit
et
; on utilise les fonctions
définies à la question 11.
Soit
une racine réelle de
, de multiplicité
. Montrer qu'au plus
d'entre les
fonctions
prennent la valeur
en
19.(b) En déduire que
est hyperbolique dans la direction
Les preuves des autres résultats de la partie III restant valables, on pourra utiliser par la suite le fait que
est concave et
est un cône convexe,
si
, alors
V. L'inégalité de Gårding sur le cône
Soit
un espace vectoriel réel de dimension finie
et
un entier. Une application
est dite
symétrique si
pour tous
vecteurs
et pour toute permutation
de
Une
forme -linéaire symétrique est une application
comme ci-dessus, qui satisfait de plus
pour tous vecteurs
et tous
Soit
une forme
-linéaire symétrique. La fonction
définie par
est alors polynomiale,
homogène de degré
. On suppose que
est hyperbolique dans la direction de
, un vecteur non nul.
20. Soit
20.(a) Prouver l'identité :
20.(b) En déduire que
On pourra admettre sans démonstration
l'inégalité arithmético-géométrique : si
sont des nombres réels positifs, alors
21. Vérifier que
est un polynôme hyperbolique sur
, dans la direction de
22. Montrer que pour tout choix des vecteurs
dans
, on a
On pourra faire un raisonnement par récurrence sur le degré
23. Applications :
23.(a) Soit
et
la forme polaire d'une forme quadratique
définie positive sur
. Soit
et
. Si
et
, montrer que
23.(b) Si
est une matrice carrée, on définit son
permanent , où
désigne l'ensemble des bijections de
dans lui-même.
Si
est à coefficients positifs, montrer l'inégalité
VI. Concavité de sur le cône
On reprend les notations du paragraphe V. On pourra admettre que pour tout polynôme homogène
de degré
sur
, il existe une
forme
-linéaire symétrique sur
telle que
pour tout
dans
24. Soit
. En exprimant
au moyen de
, montrer que
En déduire que la fonction
est concave sur
25. Montrer que l'ensemble des matrices symétriques définies positives à
lignes et
colonnes est un cône convexe, sur lequel l'application
est concave.
VII. Inégalités de Weyl
On considère dans cette section un polynôme homogène
sur un espace vectoriel
de dimension
. On suppose que
est strictement hyperbolique (voir Section III pour cette notion) dans la direction
, de degré
. Comme on ne considérera pas d'autre
direction d'hyperbolicité que
, on notera
au lieu de
On se donne trois indices
vérifiant
et
. On suppose, jusqu'à la question 30 qu'il
existe deux vecteurs
tels que
26. Montrer que nécessairement,
27. Montrer qu'il existe
satisfaisant d'une part
, et d'autre part
28. On choisit un élément
de l'intervalle
, et on considère les fonctions
définies par
En examinant les valeurs de
en
et au voisinage de
, donner un minorant du nombre de solutions de l'équation
. Ce minorant dépend de l'indice
29. (a) En déduire que le nombre de racines du polynôme
est minoré par
29.(b) Simplifier cette identité en
30.
31. Finalement, en conclure que si des entiers
sont tels que
, alors on a
32. Cette inégalité est-elle encore vraie lorsque le polynôme hyperbolique
n'est pas strictement hyperbolique ?