Polynômes (II) : Fractions rationnelles
Ici,
désigne un corps commutatif (
ou
)
I. L'ensemble
1. Définitions
Dans l'ensemble
qu'on notera
par la suite, on définit la relation
en posant :
.
Cette relation
est :
Réflexive :
on a :
, donc
:
.
Symétrique :
:
.
Transitive :
:
.
La relation
est donc une
relation d'équivalence.
Définitions :
On appelle
fraction rationnelle à coefficients dans toute classe d?équivalence pour la relation
.
La classe de
est notée
(avec
le numérateur et
le dénominateur), on a donc la fraction rationnelle :
.
On dit que
est un
représentant de la fraction
.
L'ensemble des fractions rationnelles à coefficients dans
est noté
, il n'est autre que l'ensemble quotient
.
La relation
est appelée
égalité des fractions rationnelles.
2. Opérations sur les fractions rationnelles
a) Loi d'addition "+"
Définition :
Dans
, on définit une loi de composition interne, noté
, par :
:
Cette loi "+" :
Est associative.
Est commutative.
Admet un élément neutre qui est la fraction
(
) qu'on appelle
fraction nulle.
Remarque : Une fraction rationnelle est nulle ssi son numérateur est nul.
Toute fraction
admet un opposé
.
Remarque :
.
Proposition :
est un groupe abélien.
b) Loi de multiplication " × "
Définition :
On définit une loi interne dans
, notée
, par :
:
.
Remarque : La loi
peut être notée
ou encore par absence de signe.
Cette loi "
" :
Est associative, commutative.
Admet un élément neutre qui est la fraction
(
), appelé
fraction unité.
Toute fraction
non nulle (
) admet un inverse
.
Est distributive sur l'addition.
Proposition :
est un corps commutatif, appelé
corps des fractions rationnelles.
c) Multiplication par un scalaire ""
Définition :
On définit une loi externe dans
à coefficients dans
, qu'on note
par :
,
:
.
Propriétés :
,
:
.
.
.
.
.
Proposition :
est un
-espace vectoriel.
est une
-algèbre commutative.
d) Plongement des polynômes dans
Théorème :
L'application
est un morphisme injectif d'algèbres.
Par conséquent on peut identifier le polynôme
avec la fraction
, ce qui fait que l'on peut considérer que
. En particulier la fraction nulle est identifiée au polynôme nul, et la fraction unité est identifiée au polynôme constant 1.
3. Représentant irréductible
Définition :
On appelle
représentant irréductible d'une fraction rationnelle
de
non nulle tout couple
de
tel que :
.
Remarque :
Toute fraction admet des représentants irréductibles.
Exemple :
Soit la fraction
de
:
.
Puisque :
, alors :
.
Or,
Donc
est un représentant irréductible de
.
II. Degré, pôles et racines d'une fraction rationnelle
1. Degré d'une fraction rationnelle
Soit
une fraction rationnelle non nulle, et
et
deux représentants de
(c'est-à-dire :
).
On a donc
, d'où
. Autrement dit, la différence entre le degré du numérateur et le degré du dénominateur ne dépend pas du représentant de
, mais seulement de
.
Dès lors, on peut définir la notion de degré d'une fraction rationnelle.
Définition :
Soit
, on appelle degré de
est on note
le nombre de
tel que :
.
Remarque :
Pour
:
.
Propriétés :
Soient
,
, on a :
(Egalité si
).
.
.
Remarque :
Une fraction rationnelle constante non nulle a un degré nul, mais la réciproque est fausse en général : exemple :
.
2. Pôles et racines et d'une fraction rationnelle
Définition :
Soient
et
un représentant irréductible de
.
On appelle
racines (ou
zéros) de
les racines de
. On appelle
ordre de multiplicité (ou
multiplicité tout court ) d'une racine de
l'ordre de multiplicité de cette racine en tant que racine de
.
On appelle
pôles de
les racines de
. On appelle
ordre de multiplicité (ou
multiplicité tout court ) d'un pôle de
l'ordre de multiplicité de ce pôle en tant que racine de
.
Remarques :
Puisque
est irréductible, on voit qu?un scalaire
ne peut pas être à la fois pôle et racine de
, sinon
et
seraient divisibles par
.
est un pôle de
de multiplicité
équivaut à dire que
est racine de multiplicité
de la fraction
.
Exemple :
Soit
:
Dans
:
ne possède pas de racines et admet -1 comme pôle.
Par contre, dans
:
possède deux racines :
et
et admet -1 comme pôle.
Rappelons que :
.
Théorème :
Soient
une fraction non nulle,
et
, on a :
est racine de
de multiplicité
si et seulement s'il existe une fraction rationnelle
telle que
ne soit ni pôle ni racine de
et
.
est pôle de
de multiplicité
si et seulement s'il existe une fraction rationnelle
telle que
ne soit ni pôle ni racine de
et
.
3. Fonction rationnelle
Définition :
Soient
et
un représentant irréductible de
.
On appelle fonction rationnelle associée à
la fonction, notée
, et définie par :
avec
.
Proposition :
Soient
et
deux fractions rationnelles associées respectivement aux fonctions rationnelles
et
et soit
infinie.
On a :
sur
.
4. Fraction rationnelle dérivée
Définition :
Soient
et
un représentant de
.
On définit la dérivée de la fraction rationnelle
, appelée
fraction rationnelle dérivée de , notée
ou encore
par :
.
On définit, par récurrence, les dérivées successives de la fraction rationnelle
:
Soit
une fraction rationnelle et
et
deux représentants de
, on a,
, d'où :
.
En dérivant la relation polynomiale
:
, donc :
.
Donc :
.
On obtient donc :
Proposition :
La dérivée d'une fraction rationnelle est unique et ne dépend pas du représentant de cette dernière.
Remarque :
Pour
, contrairement aux polynômes, on a en général :
(exemple :
,
et
)
Par contre, on a toujours :
.
Proposition : (Formule de Leibniz)
Proposition :
Soit
scindé, c'est-à-dire qu'il existe
,
,
tels que :
On a alors :
.
III. Décomposition d'une fraction rationnelle
1. Généralités
a) Partie entière
Soit
.
Effectuons la division euclidienne de
par
:
avec
.
On a alors
avec
et
.
Supposons qu'il existe un autre polynôme
et une fraction
tels que
avec
, alors
Donc
car ce sont des polynômes, et
. On peut donc énoncer :
Définition - proposition :
Soit
, il existe un unique polynôme
tel que
, celui-ci est appelé
la partie entière de
, c'est le quotient dans la division euclidienne du numérateur de
par le dénominateur.
Remarque :
Si
, alors la partie entière de
est nulle et ça à cause de l'unicité.
b) Eléments simples
Définition :
On appelle
éléments simples de
:
Les monômes de
.
Les éléments de
de la forme
où :
Résultats :
Pour
:
Les éléments simples dans
sont les fractions qui s'écrivent sous la forme :
avec :
Pour
:
On distingue deux espèces d'éléments simples dans
:
Éléments simples de 1ère espèce :
Les fractions qui s'écrivent sous la forme :
avec :
Éléments simples de 2ème espèce :
Les fractions s'écrivant sous la forme :
avec :
c) Existence et unicité de la décomposition
Définition :
Décomposer une fraction rationnelle non nulle, c'est l'écrire comme somme de sa partie entière et d'éléments simples.
Exemple :
.
Sa partie entière est
, on a donc :
.
Cette forme est la décomposition de
en éléments simples dans
, mais pas dans
.
Dans
, on a :
.
Théorème :
Soit
où :
Il existe une famille unique de polynômes
de
telle que :
Remarque : est la partie entière de la fraction
et les
les éléments simples.
2. Décomposition dans le cas complexe ()
a) Introduction
Soit
sous forme irréductible, soit
sa partie entière et soit
la factorisation du dénominateur telle que les
avec
les pôles complexes de
et les entiers
les multiplicités respectives (
) .
D'après le théorème précédent et sachant la forme des éléments simples dans le cas complexe, la forme de la décomposition de
sera :
avec
.
Chaque pôle
(
)de
génère donc des éléments simples qui lui correspondent : les
avec
.
Définition : (Partie polaire)
Pour
, la somme des éléments simples relatifs au pôle
est appelée
la partie polaire de A relative au pôle , elle est notée
.
On a donc, pour chaque pôle
de
,
.
La forme de la décomposition de
est :
On conclut alors que : pour décomposer une fraction rationnelle dans
, il faut calculer les parties polaires de chacun de ses pôles.
b) Calcul d'une partie polaire
Soit
sous forme irréductible de partie entière
et soit
un pôle de
de multiplicité
.
i) est un pôle simple
On peut donc écrire :
avec
et
.
Or, comme
, la partie polaire de
relative à
s'écrit :
avec
.
En notant
la somme des parties polaires de
relatives aux autres pôles, on peut écrire :
, ensuite, en multipliant par
, on obtient :
.
Le fait que
n'est pas pôle de
nous permet d'évaluer en
pour trouver
:
Et comme
, il est évident que :
Résultat :
Si
est un pôle de
, alors la partie polaire de
relative à
est :
Exemple :
Prenons l'exemple classique suivant :
avec
.
On a tout d'abord :
, donc la partie entière de
est nulle .
Les pôles de
sont les
avec
, de plus, ils sont simples.
avec
.
Donc, la décomposition en éléments simples de
est :
ii) est un pôle double
Méthode 1 :
On peut donc écrire
avec
et
.
La partie polaire de
relative à
est
avec
En notant
la somme des parties polaires de
relatives aux autres pôles, on peut écrire :
, ensuite, en multipliant par
et en évaluant en
, on obtient :
.
Maintenant, pour trouver
, on pose :
.
est un pôle simple de
, ce qui nous ramène au cas précédent (pôle simple).
Méthode 2 :
En utilisant les mêmes notations que la méthode 1, on pose
, on a en fait :
.
En évaluant
en
on trouve :
, et en évaluant
en
:
.
Résultat :
Si
est un pôle double de
, alors la partie polaire de
relative à
est :
telle que :
et
avec
.
iii) Cas général: est un pôle de multiplicité
On utilise la même procédure faite dans la méthode 2 pour les pôles doubles mais en prenant
.
Exemple :
Soit
est sous forme irréductible et
, la partie entière est donc non nulle, on trouve facilement :
par division euclidienne (développer
) .
possède 4 pôles :
Un pôle double :
Trois pôles simples :
,
,
Pour
: la partie polaire de
relative à
est
Pour
: la partie polaire de
relative à
est
Pour
: la partie polaire de
relative à
est
Pour
: On pose
, la partie polaire de
relative à
est :
car :
et
Enfin, la décomposition en éléments simples de
est :
c) Cas particuliers
i) Pôles conjugués
Soit
une fraction à coefficients réelles, si
est un pôle complexe non réel de
de multiplicité
, alors on sait que
est un pôle de
de même multiplicité car
.
Dans ce cas :
(Démonstration simple et laissée comme exercice)
Proposition :
Pour une fraction rationnelle à coefficients réelles, les parties polaires relatives aux pôles conjugués, sont conjuguées.
Remarque : Ce cas se présente lorsque la fraction
et qu'on veut la décomposer dans
.
Exemple :
Soit
.
On a
, donc la partie entière est nulle.
Les éléments simples :
j est un pôle de
, or, puisque
, alors
l'est aussi.
Calculons la partie polaire relative au pôle j :
D'après la proposition précédente :
Donc :
ii) Parité
Soit
une fraction rationnelle, si
est paire ou impaire, en utilisant la relation entre
et
et en tenant compte de l'unicité de la décomposition, on obtient des relations entre les coefficients à déterminer pour les parties polaires.
Exemple :
Soit
.
Puisque
, la partie entière est nulle.
Or,
, donc
est impaire.
Les pôles de
sont : le pôle simple
et les pôles doubles
et
.
La décomposition de
est de forme :
L'imparité donne :
, la décomposition est de la forme :
Ensuite, par unicité de la décomposition :
et
On se retrouve donc avec 2 coefficients de moins à calculer.
Après calcul on retrouve :
,
et
, il vient directement que :
et
.
Conclusion :
3. Décomposition dans le cas réel ()
a) Introduction
Soit
sous forme irréductible de partie entière B et soit
avec
:
la factorisation du dénominateur en produit de facteurs irréductibles.
La forme générale de la décomposition de
en éléments simples s'écrit :
La première somme qui est la somme des éléments simples de première espèce, n'est autre que la somme des parties polaires de
relatives aux pôles réels de
, les techniques de calcul reste les mêmes que dans le cas complexe (voir paragraphe précédent).
La deuxième somme est la somme des éléments simples de deuxième espèce, il s'agit dans ce paragraphe d'exposer la méthode de calcul de ce type d'éléments simples.
b) Calcul des éléments simples de seconde espèce
Étudions le cas où
est un diviseur irréductible de
de multiplicité
, en regroupant les autres éléments simples, on obtient :
.
Soient
et
les deux racines complexes
(non réelles) de
, alors
et
ne sont pas pôles de
mais sont pôles simples de
, on peut calculer la partie polaire de
relative à
dans
:
Comme
, on a :
.
La somme de ces deux parties polaires donne :
Comme la décomposition en éléments simples est unique :
Autre méthode :
Soit
; on a :
On obtient alors le système :
, en résolvant ce dernier, on retrouve
et
.
Remarque : dans le cas où
, utiliser la dernière méthode en prenant