Ici,
désigne un corps commutatif.
I. Généralités sur les polynômes
1. Définitions
a) Définitions
Définitions
Pour toute suite
de
, on appelle support de
l'ensemble des
de
tels que
.
On appelle
polynôme à coefficients dans toute suite
de
à
support fini, les termes d'une telle suite sont appelés :
coefficients du polynôme.
L'ensemble des polynômes à coefficients dans
est noté
, soit alors :
.
On note
la suite constante nulle
de
définie par :
, appelée
polynôme nul.
On appelle
polynômes constants les polynômes dont tous les termes sont nuls à partir de l'indice 1, c'est-à-dire les polynômes
tels que :
.
On appelle
monôme tout polynôme dont tous les termes sont nuls sauf un, c'est-à-dire tout polynôme
tel que :
.
b) Degré et valuation d'un polynôme
Soit
.
si
, alors tous les coefficients de
sont nuls, si
, alors l'ensemble des indices des coefficients non nuls de
n'est pas vide, et il est majoré (les coefficients sont nuls à partir d'un certain
rang), donc cet ensemble admet un plus grand élément.
Définitions :
Si
:
On appelle
degré de
, et on note
, le plus grand entier naturel
tel que
. L'élément
est appelé
le coefficient dominant de
.
On dit que
est
unitaire ou
normalisé ssi
et
.
On appelle
valuation de
, et on note
, le plus petit entier naturel
tel que
.
Si
, on note par convention
et
.
Remarque :
Soit
un polynôme, on appellera le polynôme normalisé de
le polynôme
Exemple :
Soit le polynôme
tel que :
Donc :
et
c) Parité d'un polynôme
Définition :
Soit
.
On dit que
est pair ssi :
:
On dit que
est impair ssi :
:
2. Opérations sur les polynômes
Soient
et
deux polynômes.
a) Égalité de deux polynômes
Définition :
On dit que
et
sont égaux et on écrit
ssi
:
(égalité de deux suites).
Remarque :
Il est clair que si
, alors :
et
, la réciproque est fausse en général.
b) Somme de deux polynômes
Définition :
La somme des deux polynômes
et
est un polynôme
tel que
:
.
On écrit :
Proposition :
On a pour tous
et
Cas d'égalité :
Proposition :
est un groupe abélien.
c) Multiplication par un scalaire
Définition :
Soit
, la multiplication du polynôme
par le scalaire
est un polynôme
tel que
:
.
On note :
Proposition :
est un
-ev.
d) Produit de deux polynômes
Définition :
On appelle produit de
par
la suite
définie par :
:
.
On note
.
Proposition :
:
Proposition :
est un anneau intègre.
Proposition :
est une
-algèbre associative, commutative et unitaire.
3. Écriture définitive d'un polynôme
Soit
un polynôme, il existe un entier
tel que
.
On peut donc écrire
.
Ou encore, compte tenu de la définition de l'addition et de la multiplication par un scalaire :
En notant
le polynôme défini par :
(Symbole de Krönecker) (Par exemple :
,
)
On obtient :
Définition : (L'indéterminée)
On appelle indéterminée le polynôme
, l’indéterminée sera noté
En reprenant les notations précédentes, on a ainsi l'écriture définitive d'un polynôme :
, ou encore plus simplement :
, étant entendu qu'il s'agit là d'une somme finie puisque les coefficients sont nuls à partir d'un certain rang.
Proposition :
L'application :
est un morphisme injectif de
-algèbre.
Par conséquent, chaque polynôme constant
peut être identifié avec le scalaire
, autrement dit,on pose
. En particulier, le polynôme nul est noté simplement
, et le polynôme
est simplement noté
. On peut donc considérer désormais :
,
étant l'ensemble des polynômes constants.
Finalement : si
, alors :
De plus, la multiplication d'un polynôme par un scalaire pourra être considérée comme produit de deux polynômes, on notera alors :
ou encore
(à la place de
) le produit des polynômes
et
, et
ou
le produit de
par le scalaire
.
4. L'espace
Proposition :
La famille infinie
, c'est-à-dire
, est une base de
-ev
, appelée
base canonique de
Proposition - définition :
Pour
fixé, l'ensemble
est clairement un
-sev de
, on le note
.
La famille finie
est une base de
, appelée
base canonique de
. On a donc :
Proposition :
Soient
une partie de
,
une famille de polynômes de
telle que :
:
Alors
est libre dans le
-ev
5. Polynôme composé - polynôme dérivé - fonction polynomiale
a) Polynôme composé
Définition :
Soient
et
. On définit le polynôme composé
par :
Proposition :
:
Exemple :
et
.
Donc :
.
Et :
.
On vérifie aisément que :
.
b) Polynôme dérivé
Définition :
Soit
, on appelle polynôme dérivé de
, le polynôme noté
ou
et défini par :
Puis par récurrence, on définit la dérivée
-ième de
, notée
, en posant :
Proposition :
:
Proposition :
:
Proposition : (Formule de Leibniz)
Théorème :
1)
Soit le monôme
(
), alors,
:
Généralisation: Soit
, on a :
,
2)
En particulier, si
, alors
, et si
, alors
.
3)
D'autre part, lorsque
, alors
c) Fonction polynomiale
i) Définitions
Définition :
Pour tout
de
, on note
appelée
fonction polynomiale associée à .
Proposition :
Pour tous
de
et
de
:
.
.
.
Proposition :
L'application :
est injective ssi
est infini.
ii) Schéma de Ruffini-Hörner
Hörner et Ruffini ont cherché (séparément) à minimiser le nombre d'opérations à effectuer pour calculer l'image d'un nombre par une fonction polynomiale.
Soit
un polynôme et
un nombre. Le calcul de
=
laisse à penser qu'il faut calculer chacune des puissances de
, multiplier celle-ci par son coefficient
puis faire la somme de ce que l'on a trouvé.
La méthode de Ruffini-Hörner consiste à améliorer encore ce résultat en effectuant le calcul comme suit :
La méthode consiste à multiplier le premier coefficient par
et à lui ajouter le second coefficient. On multiplie alors le nombre obtenu par
et on lui ajoute le troisième coefficient et ainsi de suite. Cette méthode s'organise très bien à l'aide d'un tableau dans lequel chaque case de la seconde ligne est obtenue en multipliant le coefficient de la case de gauche par
et en lui ajoutant le coefficient de la case du dessus.
Par exemple, calculons
avec
:
iii) Formule de Taylor
Soit
, soit
un entier compris entre
et
, alors
.
Substituons
à
, on obtient alors
, on en déduit donc que :
{
} :
Remarquons que la formule reste vraie pour
.
On obtient
la formule de Taylor en 0 :
Soit
, posons
comme composée de
avec le polynôme
, d?après ce qui précède, on a :
Or,
, donc :
.
De plus :
.
On obtient :
Théorème : (dit de Taylor pour les polynômes)
Soient
et
, on a :
: C'est la formule de Taylor pour le polynôme
en
II. Arithmétique dans
1. Divisibilité
Définition :
Soit
, on dit que
divise dans
et on note :
si et seulement s'il existe
tel que :
Remarque :
A la place de
divise
, on peut dire
est un
diviseur de
, ou encore,
est un
multiple de
Exemple :
Soient
et
deux polynômes de
On a
, donc
Proposition :
:
.
: (
et
).
: (
et
)
: (
)
: (
et
)
: (
et
)
,
: (
)
Définition :
On appelle
idéal de
toute partie
de
telle que :
.
:
.
,
:
Théorème :
Pour tout idéal
de
, il existe
tel que :
.
On dit que tout idéal de
est
principal, ou encore :
est un
anneau principal
Remarque :
Voir cours
" Compléments d'algèbre général - Notion d'idéal" pour plus de détails sur cette partie.
Théorème : (Division Euclidienne)
Soit
. Il existe un couple unique
de
tel que :
Le polynôme
(respectivement
) est appelé le
quotient (respectivement le
reste) de la
division Euclidienne de
par
.
Exemple :
La division Euclidienne de
par
:
Conclusion :
2. Plus grand commun diviseur (PGCD) - Plus petit commun multiple (PPCM)
a) Généralités
Définition - Proposition :
Soient
,
Il existe un polynôme et un seul
, unitaire, non nul, diviseur commun de
et de plus haut degré parmi les diviseurs communs de
;
est est appelé le
plus grand commun diviseur (en abrégé
pgcd) de
, et noté
ou encore
Il existe un polynôme et un seul
, unitaire, non nul, multiple commun de
et de plus bas degré parmi les multiples communs de
;
est est appelé le
plus petit commun multiple (en abrégé
ppcm) de
, et noté
ou encore
Proposition :
Soient
;
,
, on a :
et
Soit
;
;
unitaire, on a :
et
Proposition : (Associativité)
Soient
,
une partition de
,
, on a :
b) Algorithme d'Euclide
La division euclidienne fournit, comme dans le cas des nombres entiers relatifs (dans
), une méthode pour trouver le PGCD de deux polynômes, nommée
Algorithme d'Euclide.
Lemme : (dit d'Euclide)
Soit
, alors
tel que :
, on a :
Pour tout
, le PGCD de
et
est le dernier reste non nul
normalisé dans la suite des divisions euclidiennes successives, le tebleau ci-dessous regroupe l'algorithme :
Opération |
Reste |
Résultat |
division de par |
|
et |
si , division de par |
|
et |
|
|
|
si , division de par |
|
|
Conclusion :
Exemple :
Cherchons
avec :
et
:
1ère division Euclidienne : division de
par
On obtient
et
.
2ème division Euclidienne : division de
par
et
On en déduit que :
Proposition :
,
est le polynôme normalisé de
.
3. Polynômes premiers entre eux - Polynômes irréductibles
a) Polynômes premiers entre eux
Définition :
Soient
;
On dit que
sont
premiers entre eux dans leur ensemble ou encore
étrangers ssi :
.
On dit que
sont
premiers entre eux deux à deux ssi :
:
.
Théorème : (dit de Bezout)
Soient
;
. Pour que
soient premiers entre eux dans leur ensemble, il faut et il suffit qu'il existe
tel que :
.
Théorème : (dit de Gauss)
Proposition :
Soient
et
deux polynômes non nuls, non tous deux constants et premiers entre eux. Il existe
unique tel que :
avec
et
.
Proposition :
Soient
;
.
Si
{
} ,
et si
sont premiers entre eux deux à deux, alors :
.
Proposition :
Soient
;
. Si
sont premiers entre eux deux à deux, alors le PPCM de
est le polynôme normalisé de
.
b) Polynômes irréductibles
Définitions :
Soit
non constant.
Le polynôme
est dit
irréductible si et seulement si ses seuls diviseurs sont les polynômes constants et les polynômes de la forme
où
est une constante de
non nulle.
Le polynôme
est dit
premier ssi :
,
ou
.
Théorème :
Un polynôme est premier, si et seulement si, il est irréductible.
On se permet alors, dans toute la suite, de confondre les deux notions.
Proposition :
Soient
irréductible et
. On a :
ou
.
Proposition :
Soient
irréductible,
,
. On a :
.
Théorème :
Tout polynôme de
de degré supérieur ou égal à 1 admet une décomposition en produit de polynômes irréductibles, unique à l'ordre près des facteurs et à des constantes non nulles de
multiplicatives près.
Soit
avec
. D'après le théorème précédent, il existe
,
irréductibles et premiers entre eux deux à deux,
tels que :
, Cette égalité s'appelle la
décomposition primaire de
dans
.
Proposition :
Tout polynôme de
de degré supérieur ou égal à 1 admet au moins un diviseur irréductible.
Proposition :
Soient
, de degrés
, unitaires et respectivement de décomposition primaire
et
(où
,
irréductibles, unitaires et premiers entre eux 2 à 2,
). On a :
et
Proposition :
Les lois
et
sont distributives l'une sur l'autre dans
.
III. Racines des polynômes
Définition :
Soient
,
. On dit que a est une
racine (ou : un
zéro) de
si et seulement si :
.
Proposition :
Soient
,
,
2 à 2 distincts.
Si
sont racines de
, alors :
.
Proposition :
Soient
,
. Si
et si
admet au moins n racines 2 à 2 distinctes, alors
.
Définition :
Soient
,
,
On dit que
est une racine d'ordre au moins
de
si et seulement si :
On dit que
est une racine d'ordre exactement
de
si et seulement si :
et
.
Proposition - Définition :
Soit
,
.
Si
est racine de
, alors il existe un entier naturel non nul
unique tel que
soit une racine d'ordre
exactement de
, on dit que
est
l'ordre de multiplicité de (ou plus simplement
est
multiplicité de
)
dans et on le note
.
Remarque :
Une racine de multiplicité
1 est appelée
racine simple, une racine de multiplicité
2 est appelée
racine double...etc
Exemple :
Soit
, trouver les racines de
ainsi que l'ordre de multiplicité de chacune.
On procède par "tâtonnement" simple en commençant par :
, etc
On obtient :
et
sont des racines de
On divise
par
(division euclidienne), on trouve :
Donc :
et
Proposition :
Soient
,
2 à 2 distincts,
,
.
On a alors :
(
).
Définition :
Un polynôme
de
est dit
scindé (ou encore
scindable) sur
si et seulement s'il existe
,
,
tels que :
.
Proposition :
Soient
,
tel que
et
.
Supposons que
scindé sur
et notons
les racines de
non nécessairement deux à deux distincts de sorte que :
On a alors, en notant
les fonctions symétriques élémentaires de
:
,
,
,
,
.
Théorème :
Soient
,
,
Pour que
soit racine d'ordre
au moins de
, il faut et il suffit que :
,
Pour que
soit racine d'ordre
au moins de
, il faut et il suffit que :
,
et
.
Théorème : (dit de D'Alembert)
Le corps
est algébriquement
clos.
Cela veut dire que tout polynôme non constant de
admet au moins une racine dans
.
Proposition :
Tout polynôme non constant de
est scindé sur
.
Proposition :
Les polynômes irréductibles de
sont les polynômes de degré
.
Les polynômes irréductibles de
sont les polynômes de degré
et les trinômes du second degré à discriminant strictement négatif.