Systèmes différentiels linéaires à coefficients constants
Cette fiche suppose connus les résultats présentés dans
Réduction des endomorphismes linéaires
I. Suites, séries et fonctions vectorielles
On se place dans le
-espace vectoriel normé
où
est un entier strictement positif. On définit une norme sur
en posant pour
Soit
une suite de vecteurs de
et soit
. On dit que la suite
converge vers
et on écrit
si et seulement si
. Soit
et si
, on voit que
si et seulement si
pour
Soit
une suite d'éléments de
On pose
pour tout
La
série est le couple
On dit que la série
est convergente de somme
si et seulement si
On note
Proposition.
Soit
une série de vecteurs de
Si la série réelle
est convergente, alors la série
est convergente et
.
Soit
une fonction définie sur un intervalle ouvert
de
. Pour tout
on écrit
avec
Les
fonctions complexes
ainsi définies sur
sont les
fonctions coordonnées de
Soit
et soit
. On dit que
est la
limite de
au point
et on écrit
si et seulement si
ou encore si et seulement si
pour
. On dira que
est
continue au point
si et seulement si
On dira que
est dérivable au point
si et seulement si la fonction définie pour
par
admet une limite au point
; si c'est le cas on pose
. On démontre que
est dérivable au point
si et seulement si toutes les fonctions
sont dérivables au point
et, lorsque c'est le cas, on a
.
Soient
un entier positif et soit
l'espace vectoriel des matrices complexes carrées
Comme
est un espace vectoriel de dimension
on applique les définitions ci-dessus aux matrices de
Ainsi, on a :
pour toute matrice
Proposition.
Si
et
sont des matrices de
et si
on a
et
.
Proposition.
Soient
et
deux fonctions dérivables définies sur un intervalle ouvert
de
et soit
la fonction définie par
Alors
est dérivable sur
et pour tout
on a
II. Exponentielle d'une matrice
Soit
Considérons la série
. Comme
et comme la série numérique
est convergente, la série de matrices
est convergente. On définit
l'exponentielle de la matrice
en posant
.
On a
Si
on a
.
Si
est une matrice nilpotente telle que
on a
.
Si
on a
Proposition.
Soient
et
deux matrices telles que
On a
En particulier, pour toute matrice
on a
ce qui montre que
Toutes ces propriétés permettent de calculer
En effet, le théorème de Dunford assure l'existence d'une matrice diagonalisable
et d'une matrice nilpotente
telles que
et
. On a donc
et les calculs de
et de
sont aisés.
Si
avec
triangulaire telle que
on voit que
où
est un polynôme de degré strictement inférieur à
Exemple.
Considérons les matrices
et
Comme
et comme
est diagonale, on a
De plus, on voit que
d'où
. Ceci montre que si
les trois matrices
et
peuvent être différentes.
Théorème.
Soit
et soit
la fonction définie par
.
La fonction
est dérivable sur
et
pour tout
III. Systèmes différentiels
Un système différentiel linéaire à coefficients constants est un système de la forme
où
est un entier supérieur à 1, les
sont des nombres complexes pour
et
et où
sont des fonctions continues définies sur un intervalle ouvert
de
et à valeurs dans
Une
solution du système
est une famille
de fonctions à valeurs dans
dérivables sur
et telles que
Soit
la matrice
Soit
la fonction définie par
et soit
la fonction définie par
Alors
est solution de
si et seulement si
pour tout
Le système se présente donc sous la forme
On appelle
système homogène ou
système sans second membre associé au système le système
Théorème.
Si
et si
il existe une et une seule solution
de
telle que
L'ensemble des solutions de
est un
-espace vectoriel de dimension
Soit
une solution de
; alors
est solution de
si et seulement si
est solution de
Cas Il s'agit de l'équation différentielle
où
et
est une fonction continue. Si
et
l'unique solution
de cette équation qui vérifie
est définie sur
par
.
Une méthode de résolution dans le cas général. On reprend le système
avec
quelconque. La matrice
étant triangulable, il existe une matrice triangulaire
et une matrice
telles que
Considérons le système
On voit que
est solution de
si et seulement si
est solution de
Or le système
est de la forme
où
sont les valeurs propres de
et où on a posé
Mais on sait résoudre la dernière équation ; si
est une solution de cette équation, l'avant dernière équation devient
et on peut la résoudre. Ainsi, de proche en proche on trouve les solutions de
. Pour avoir une solution de
il suffit de calculer
où
est une solution de
Théorème.
Soit
.
La fonction
définie par
est la seule solution du système sans second membre
telle que
Proposition.
Soit
une valeur propre de
de multiplicité
et soit
le sous-espace caractéristique relatif à
Si
, la fonction
définie par
est la solution du système
telle que
En choisissant une base dans chaque sous-espace caractéristique et en prenant les fonctions définies par la formule ci-dessus, on trouve donc une base de l'espace vectoriel des solutions du système sans second membre
Soit
la décomposition du polynôme caractéristique de
On sait que
pour
Ceci montre qu'une solution
de
peut s'écrire
où chaque
est un "polynôme" à coefficients dans
de degré au plus
.
Méthode de la "variation des constantes"
On vient de voir que la fonction
est une solution de
On cherche une solution du système avec second membre
sous la forme
où
est une fonction dérivable. On a
donc
est solution de
si et seulement si
ce qui permet de trouver
en déterminant ses fonctions coordonnées.
Solutions réelles
Supposons que
et que la fonction
est à valeurs dans
. Alors les solutions du système sans second membre qui sont à valeurs réelles, forment un
-espace vectoriel de dimension
et, comme dans le cas complexe, il suffit de connaître une solution du système
pour les avoir toutes. Comme
on obtient les solutions de
de manière analogue au cas complexe. Si
a toutes ses valeurs propres réelles,
est triangulable dans
et le calcul de
ou la résolution du système triangulaire équivalent sont faciles. Si
a des valeurs propres complexes non réelles, il y a plusieurs stratégies possibles.
On peut remarquer que si
est une solution de
à valeurs complexes, alors sa partie réelle et sa partie imaginaire sont des solutions de
qui sont à valeurs réelles. On peut donc construire une base de solutions réelles, à partir d'une base de solutions complexes.
En écrivant toutes les solutions complexes, on peut jouer sur le choix des constantes complexes, pour obtenir des solutions à valeurs réelles.
On sait que la matrice
est semblable dans
à une matrice
formée d'un bloc diagonal réel et de blocs sur la diagonale de la forme
avec
Après changement de variable, il suffit donc de résoudre des systèmes de la forme
La matrice
a les valeurs propres conjuguées
En cherchant les parties réelles et imaginaires des solutions complexes, on trouve les solutions réelles suivantes :
IV. Equations différentielles linéaires d'ordre à coefficients constants
Une équation différentielle linéaire d'ordre
à coefficients constants est une équation de la forme
où
sont des nombres complexes et où
est une fonction continue à valeurs complexes.
Une solution de
est une fonction
qui est
fois dérivable et telle que
Soit
une fonction
fois dérivable et soit
la fonction
Alors
est solution de
si et seulement si
est solution du système
La matrice
de ce système est la transposée de la matrice compagnon du polynôme
Ce polynôme, visible dès la donnée de l'équation est
le polynôme caractéristique de l'équation
On sait que
Les valeurs propres et les sous-espaces caractéristiques de
sont donc déterminés par
On appelle
équation homogène ou
équation sans second membre associée à
l'équation
L'ensemble des solutions de
est un
-espace vectoriel de dimension
et si
est une solution de
une fonction
est solution de
si et seulement si
est solution de
.
Soit
la décomposition de
en facteurs du premier degré dans
. Compte tenu du fait qu'une solution
de
est la première fonction coordonnée d'une solution
de
et de la description des solutions de ce système on voit que toute solution
de
est de la forme
où
est un polynôme de degré inférieur à
pour
.
Pour trouver les solutions de
on peut utiliser la méthode de "variation des constantes".
Si
sont réels et si la fonction
est à valeurs dans
on peut chercher les solutions de
qui sont à valeurs réelles. Dans ce cas, comme pour les systèmes, il suffit de remarquer que la partie réelle et la partie imaginaire d'une solution à valeurs complexes de
sont encore des solutions.