Citation :
le goût prononcé pour l'effort
Citation :
j'ai perdu de la confiance en moi
Citation :
Je souffre beaucoup du déracinement
Citation :
je travaille jusqu'à 2h du matin
Voilà ton problème. D'abord, ça ne sert à rien de travailler jusqu'à 2h du matin, sinon à t'épuiser. Le sommeil est très important dans la vie, c'est grâce à lui que les informations du jour sont définitivement assimilées. Il vaut mieux travailler bien, et s'arreter à 23h, que mal jusqu'à pas d'heure.
Pour le reste, ne te laisse pas abattre, tu n'es ni le premier ni le dernier à qui cela arrive. Je viens moi-même des pires quartiers pourris que tu puisses imaginer, dans lesquels j'étais comme un éléphant dans un magasin de porcelaine bien que plus pauvre encore que les autres. Partout autour de moi, la violence, des dealers de shit à la con, l'apologie de la médiocrité, zéro attrait pour l'élévation. Tout ma vie a été comme ça, j'étais l'intello, l'extraterrestre à 200 de QI, le mec qui parle jamais, et j'avais en tout et pour tout 3 amis aussi bizarres que moi à leur façon.
Fin de terminale, j'ai 20 de moyenne générale, je postule dans les grandes prépas parisiennes, parce que j'aime les sciences et qu'il faut bien s'orienter, et que comme je peux tout faire... j'ai pas le choix il faut que j'aille en prépa. Je me dis que vu d'où je viens mon dossier va finir à la poubelle, que je vais me retrouver dans une prépa pourrie et rater ma vie comme tout le monde. En fait mon premier voeu (LLG) m'est refusé et je me retrouve à Ginette, prépa numéro 1. Dieu merci, j'étais boursier parce qu'en aucune façon je n'aurais pu me payer les frais de scolarité
Je te passe les détails sur le choc, les préparatifs, et le semblant de fierté dans les yeux de ma famille. J'étais confiant sur le fait que j'allais leur coller une branlée aux bobos comme à tout le monde depuis toujours.
La semaine d'intégration, je passe aussi, bien qu'il y ait des choses à dire... La première chose qui me frappe c'est que je me retrouve entouré de gosses de riches qui circulent en grosses berlines à 18 ans et ont des délires chelou et tous le même style catho que tu imagines. Dans la promo il n'y a ni arabe ni noir, mais quelques chinois. Tout le monde s'exprime correctement et poliment, tout le monde est gentil mais je sens une hypocrise, une fourberie latente, un regard différent sur moi qi est celui qu'on porterait sur un animal sauvage dans une cage. Méfiance ? Peur ? Racisme ? J'en sais rien mais ça va durer deux longues années pendant lesquelles je serai loin de tous mes repères, de ma famille et où je passerai plus de temps à m'inquiéter de comment vont mes proches qu'autre chose, un vrai cauchemar. Pour ne rien arranger, la cantine est dégueulasse et tout est extrêmement cher dans les magasins alentours. Mais malgré ça, je garde espoir et me dis que de toute façon j'allais survoler et finir à la douche. Erreur !
Première pale, sur les nombres complexes, je me tape un vieux 10/20, du jamais vu pour moi. Pourtant toutes mes réponses étaient bonnes
L'explication principale, c'est que je n'ai jamais bossé de ma vie, jamais appris une leçon. La seconde raison de cet échec cuisant, c'est que les réponses de mes camarades aussi étaient bonnes, mais que eux, avaient reçu une méthode et connaissaient par ailleurs tout le programme à l'avance. Facile quand on vient de Saint-Germain, Franklin et compagnie. Moi, je n'avais jamais terminé un programme en classe dans aucune matière, alors forcément...
Ils faisaient tous 3 sports et jouaient de plusieurs instruments, moi je jouais bien de la xbox et j'étais un geek qui savait coder et regardait des animes avant que ça devienne mainstream...
Les semaines passent et ça ne change pas, ils sont meilleurs que moi même si tout ce que je fais est correct. Ca me fait sacrément chier et je commence à douter de mes capacités réelles. Pourtant c'est comme d'hab, tout rentre facilement dans ma tête et je maitrise tout ce qu'on m'apprend sur le bout des doigts le jour des exams... Mais rien à faire, je reste nul. Ca m'emmerde doublement ou triplement cette situation. D'une part parce que je n'avais jamais connu d'autre place que premier loin devant auparavant ; et d'autre part parce qu'il y avait pour moi une course dans la course. Rester derrière eux, c'était les conforter dans l'idée qu'ils valaient mieux que moi, ces enfants gâtés. Y'avait un mélange d'orgueil, de dépit, de tristesse, de mélancolie, et je pensais à ma famille. Et du dégout aussi, beaucoup de dégout pour toutes les choses que je voyais, le copinage de certains en particulier.
Ca continue encore pendant un temps et un jour, ça finit par faire clic. Après une longue introspection, je finis par comprendre ce qui bloquait. Tout ce temps, j'ai appris davantage que simplement des maths et de la physique. J'ai aussi appris leurs pratiques, leur langage, leurs signes de reconnaissance, et ce que voulait
vraiment dire un mot lorsqu'ils le prononçaient. Peu de gens me liront jusqu'ici, et encore moins comprendront ce que je viens de dire.
En désespoir de cause, j'ai donc entrepris de les copier. J'ai commencé à parsemer mes compositions de ces petites choses qui passent inaperçu pour une oreille ou un oeil profane, mais qui changent beaucoup de choses. Et mes notes ont bondi d'un seul coup (à l'oral en particulier) et je suis remonté en milieu de classement. Très injustement d'ailleurs, puisque ce n'était finalement plus vraiment moi qui composais, donc je suis rapidement revenu à moi même.
Pour autant, mes notes ne sont jamais redescendues, et elles n'ont fait que monter. Le simple fait d'avoir pu remonter comme ça mes notes m'avait convaincu que je n'étais
pas inférieur à eux, mais peut-être même supérieur. C'était la dose de confiance qu'il me fallait pour remonter la pente, et c'est à partir de là que j'ai brillé. J'ai décroché ma place en MP* de justesse, et la deuxième année je les ai tous désintégrés en cours comme aux concours
Au final, c'est leur regard qui a fini par changer mais pas le mien, et ça, j'en suis fier.
Plus tard dans mes études j'ai gardé la même facilité qu'avant la prépa (qui m'aura finalement fait plus de mal que de bien psychologiquement), tout majoré haut la main, notes parfaites, et j'ai connu d'autres bobos
encore pires (l'un d'eux n'hésitait pas à mettre 10000€ dans des placements financiers douteux et s'en vantait publiquement, un autre se ramenait avec de la coke en toute impunité) que ceux de prépa, et je mettais un point d'honneur à ce qu'ils restent loin de moi, physiquement, et dans le classement.
Gros pavé anti-bobos pour te dire de ne pas t'en faire, et de garder confiance en toi. Si tu es réellement capable de briller en prépa, tu brilleras un jour où l'autre si tu t'accroches. Dans le cas contraire, ça ne veut pas dire que tu sois un misérable pour autant, ni un raté. C'est simplement que quelque chose d'autre t'attend. Et qui sait si ce ne sera pas meilleur pour toi que ce que tu envisages ?
Ne laisse jamais rien t'atteindre, et tends l'autre joue et tu verras, ça ira
